Violences, agressions : théorie de l'évitement.
- juliensabi93
- 2 août
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Un débat qui enflamme particulièrement le milieu des sports de combat et des arts martiaux en tous genres, à savoir d'abord l'intérêt et, surtout, la légitimité de la self-défense dans un contexte d'agression réelle, mais aussi la recherche parfois obsédante de la discipline voire de la technique infaillible dans le cadre d'une agression ou d'une bagarre de rue. Les uns dénigrant les autres, de manière moyennement fair-play, dénonçant ce qu'ils appellent du mytho-jutsu (terme inventé par un des portes paroles de cette confrontation, un ancien champion de MMA français nommé Cyrille Diabaté) et, par conséquent, un business mensonger. De l'autre côté, les acteurs de la self-défense font ce qu'ils font de mieux, c'est-à-dire se défendre, mais se noient dans le dialogue de sourds.
Il existe pourtant des preuves solides que la self peut détenir certaines utilités que les sports de combat n'enseignent pas, à savoir l'anticipation, l'ouverture à son environnement, la prise de conscience d'un danger, des outils pour s'en sortir sans trop de dégâts lorsqu'en face se tiennent plusieurs agresseurs, parfois armés, là où les sports de combat se tiennent à des règles strictes sous la surveillance d'un arbitre. Les corps armés, de la police et de la gendarmerie utilisent certaines self-défenses en complément, et cela s'avère efficace. Bien entendu, si l'objectif est de devenir imperméable à toute situation conflictuelle et parfois dangereuse, les méthodes de self-défense, seules et telles que sont vendues au grand public, ne suffisent aucunement. Mais, dans le même temps, pratiquer de la boxe anglaise, du muay thaï ou même du MMA ne peuvent être des garanties face au vice et l'absence de règles. Tout cela ne sont que des outils qui permettent certains automatismes que d'autres ne possèdent pas, mais aucune salle, aucune discipline sportive ou de self, ne pourra reproduire la dangerosité et l'imprévisibilité d'une situation réelle d'agression. Penser le contraire est un leurre.
LA VIOLENCE IMPOSE SES PROPRES LOIS.
La principale erreur, selon moi, est de mélanger technique avec état d'esprit. Les personnes que l'on qualifie de violents sont craints non parce qu'ils sont champions d'Europe de je ne sais quelle discipline sportive, mais parce que dans leur regard, leur langage non-verbal, résident un vice, une malveillance, une absence d'empathie et un goût pour la douleur qui s'épanouissent non à travers une pratique sportive, dans une salle, à travers un cadre, des règles et des valeurs, mais plutôt dans l'absence de règles et dans une démarche destructrice voire létale. Pour faire face à ce genre d'individus, acquérir de la technique est un moyen, mais sans un état d'esprit renforcé, sans cette rage propre à la rue, sans cette capacité à oublier toutes les lois de notre construction mentale, de notre éducation et de la vie en communauté, le temps de quelques dizaines de secondes, pour switcher vers un état d'esprit animal sans la moindre pitié ; alors le seul moyen de s'en sortir est de courir ou d'espérer que d'autres, autour, viennent prêter main forte, ce qui relève de l'exploit dans notre société actuelle.
Les personnes violentes, agressives et dangereuses sont d'abord des victimes de violences durant les années cruciales de leur construction, à savoir l'enfance et l'adolescence. La violence est devenu un langage, et l'autre devient un ennemi, le rapport évolue constamment dans le système de domination/soumission, et tout est permis pour protéger son honneur, sa réputation et son ego, mais aussi sa vie, lorsque l'intégralité de ce que l'on possède réside dans ce type de schéma. Les relations sont constamment toxiques, on n'est respecté que lorsque l'on est craint, et à la moindre faille, tout le monde se jette telle une meute de jeunes loups affamés face à l'alpha en perdition. C'est un monde où l'amour n'existe pas, où l'amitié est toute relative, où l'empathie est un défaut, où survivre est la norme. Très souvent, ce type de schéma évolue au sein de milieux sociaux populaires, avec des histoires familiales dramatiques, une absence de perspectives d'avenir digne de ce nom, ce qui engendre un sentiment d'injustice et une colère profonde qui s'exalte d'autant plus lorsque l'on n'a strictement rien à perdre.
Penser qu'un individu ayant grandi au sein d'un foyer sain, une certaine forme de sécurité et de protection, ayant reçu de l'amour et une bonne éducation, ayant réussi des études et acquis une bonne situation professionnelle et sociale, peut, par la simple pratique de techniques, quelque soit la discipline, affronter un agresseur ayant évolué dans le premier schéma que je viens de décrire est totalement obsolète. Dans la rue, ce n'est pas la force ni la technique qui prime. C'est un état d'esprit.
L'EVITEMENT.
A mes yeux, le meilleur moyen de sortir d'une agression est de l'éviter. Le pieds-poings, la lutte ou la self-défense, c'est l'outil à utiliser en dernier ressort, lorsque tous les autres leviers ont été inefficaces. Face à la montée (pour ne pas dire flambée) de l'insécurité en France ces dernières années, sans oublier le facteur économique en difficulté -facteur qu'il ne faut pas occulter-, l'embrouille, la provocation, l'hostilité voire l'agression violente font quasiment partie intégrante du quotidien, non à échelle individuelle (à moins de vivre dans un secteur extrêmement tendu), mais à échelle d'une population. Les incivilités dans les commerces, les transports en commun, les clashs gratuits sur les réseaux sociaux, les violences de plus en plus exacerbés dans le milieu scolaire et auxquels nos enfants et adolescents sont confrontés tous les jours, les provocations et irrespects totalement décomplexés, l'irresponsabilité et l'inconscience sur les routes, sans parler du monde de la nuit et de ses excès... les motifs d'altercation et/ou de passage à la violence ne manquent pas dans une société et une époque où règnent l'individualisme, le communautarisme (pas uniquement ethnique, mais aussi de classes sociales, entre les deux sexes, entre les générations et j'en passe), les problèmes de santé mentale non traités ainsi que le manque de citoyenneté. Pour éviter de s'embarquer dans des embrouilles ingérables quarante fois par an, je préconise tout simplement l'évitement. Choisir un lieu de vie dénué de voisinage potentiellement hostile, irrespectueux et toxique ; privilégier les lieux de sortie plus calmes et généralement mieux fréquentés comme un restaurant situé dans un quartier agréable plutôt qu'un bar ou une boite de nuit qui attirent bien souvent l'excès, notamment l'alcool, et les personnes problématiques ; prendre les transports habituellement empruntés par les travailleurs se rendant à leur lieu de travail ou rentrant à leur domicile et privilégier la marche, le vélo ou la voiture personnelle ou deux-roues durant les autres trajets afin d'éviter les individus potentiellement nuisibles ; éviter d'être actif sur les réseaux sociaux et privilégier le contact uniquement avec les personnes proches de vous, afin d'éviter tout l'aspect toxique et insupportable de ces plateformes qui sont devenues le défouloir de toute la médiocrité humaine contemporaine ; éviter de partir en vacances dans les zones les plus touristiques durant les périodes les plus prisées, pour privilégier les endroits moins connus, plus tranquilles, et durant les périodes creuses, vous permettant de ne croiser que des retraités et des couples lambdas au lieu de groupes de jeunes bruyants et alcoolisés ; bien choisir ses fréquentations, éviter les groupes de jeunes hommes qui ne parlent que de baston, de nanas, de foot et de voiture, afin d'éviter l'assignation à une place qui ne vous sied pas, les piques, les provocations éventuelles sous le ton de l'humour, l'impossibilité de dialogue profond et les comportements nocifs qui vous sont inévitablement adressés lorsque vous vous émancipez. Privilégier plutôt les amitiés avec des femmes, des mères de famille, ou des hommes intelligents et bienveillants, qui vous respecteront comme vous êtes et ne voudront que votre bien. Ces type de personnes sont plus difficile d'accès, moins nombreux dans l'entourage, mais sont des amis de grande qualité et vous évitent beaucoup de conflits stupides et inutiles ; enfin, éviter les grands rassemblements, les évènements majeurs et populaires, qui sont aujourd'hui prétexte à des violences et des comportements haineux, d'une bêtise crasse. Préférez assister à l'évènement chez vous ou chez ces types d'amis que je viens de décrire, à l'abri, en sécurité, seul ou bien entouré, et dormez-y sur place.
L'évitement ne nécessite pas de ceinture noire ni de techniques particulières. C'est un état d'esprit prudent et conscient, le meilleur allié pour faire face à l'aspect agressif et parfois déshumanisé de la rue. Le combat et la self sont des outils de dernier recours. L'un pour savoir frapper et maitriser une personne, le second pour s'en sortir et éviter un traumatisme voire un drame lorsque, sur le papier, nos chances sont minces.
Fin du débat.



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