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Asexualité : témoignage.

  • juliensabi93
  • 7 nov.
  • 6 min de lecture

Parmi les orientations sexuelles qui existent, l'une d'entre elle est, encore aujourd'hui, trop peu connue ou même comprise, trop souvent cataloguée dans la case des "troubles de la sexualité", ou mélangée avec une perte de désir progressive et/ou passagère survenant avec l'âge ou - attention, grand tabou - après de longues années de mariage. Je veux bien sûr parler de l'asexualité. Représentée par la lettre A du sigle LGBTQIA+, cette orientation mérite d'être davantage reconnue, car touchant bien plus d'individus que nous avons tendance à le penser, et pour cela, rien de mieux qu'un témoignage authentique à travers la vision et l'expérience d'un asexué qui s'assume ; à savoir moi-même. Qu'est-ce que cela signifie véritablement ? Comment l'absence de désir se traduit dans le quotidien, le rapport à l'autre et notamment le sexe opposé ? Est-ce vécu comme un problème ?


LES CAUSES


Ce qui engendre l'asexualité n'est pas pleinement défini, car les causes peuvent être extrêmement variées, d'un individu à l'autre. Pour beaucoup, l'absence de désir, de libido et d'attrait pour l'acte sexuel ou le corps survient dès la puberté. Parfois, c'est un évènement, souvent traumatique, tel que le viol ou l'abus, qui provoque une très faible appétence voir un dégoût pour la chose. Mais ce n'est pas systématique, car le viol ou l'abus peuvent également tenir un lien dans l'homosexualité, la nymphomanie, la pédophilie, entre autres (disclaimer : je ne place pas l'homosexualité dans le même panier que les troubles ou maladies citées ensuite)... parfois, l'asexualité survient à l'âge adulte, de façon lente et progressive, comme si le corps réagissait sciemment en conséquence à une forme de lassitude profonde à la fois pour la recherche de partenaire, mais aussi pour l'acte et tout ce que cela implique. Cela provoque un profond contraste avec le reste de la population ainsi que les moeurs sociétales, qui, du point de vue d'un asexué, semblent totalement obsédées par le sexe. C'est là que peut résider la principale source de mal-être concernant la personne asexuée, à savoir le regard et les jugements des autres. Tout comme l'homosexualité, il n'y a aucune raison de mal vivre cette orientation dans le sens où elle n'engendre aucune souffrance pour quiconque. L'absence de réelle compréhension s'explique, selon moi, par le fait que pour les personnes ayant une libido et ressentant le désir, le sexe a pris une telle place jusque dans leur psyché qu'il leur parait totalement inconcevable de vivre sans. En effet, partout où ils posent le regard réside de la tentation, de la sexualisation, ce à travers l'image d'un panneau publicitaire en passant par un clip de chanteuse pop sans oublier les tenues souvent vulgaires et explicites de certaines femmes dans l'espace publique et bien sûr les innombrables influenceuses sur les réseaux sociaux, faisant de leur corps un fond de commerce totalement validé par l'ensemble. La psychologie et la psychanalyse ont fait de la sexualité la base de tous les fondements ou presque, comme si tout ne tenait qu'à cela. Vivre sans désir, sans attirance ni libido équivaut donc à évoluer à la marge de ce qui semble être devenu l'un des socles fondamentaux de nos moeurs sociétales et de nos rapports sociaux. L'asexué peut donc le vivre en cachette, silencieusement, comme s'il s'agissait d'une honte, ou bien l'avouer et épouser son orientation sans aucune contrainte. J'ai décidé de choisir désormais la seconde option.


CE QUE L'ASEXUE VOIT ET RESSENT.


Au sein de l'espèce humaine, parmi les cinq sens que nous possédons, le regard est ce qui prédomine concernant notre rapport à ce qui nous entoure (lorsque pour les animaux, il s'agit généralement de l'odorat et de l'ouïe). Le désir et l'attirance démarrent donc quasi systématiquement par la perception. Les personnes ayant une libido vont observer un visage, un corps, et l'associer à un manque développant ensuite le désir libidinal. Ce désir prend forme à travers ce que l'on appelle communément le fantasme, à savoir une projection mentale de ce manque devenant désir. Viennent ensuite le toucher, les sensations corporelles, l'excitation et la jouissance (éventuelle). Dans ce désir libidinal entre également en jeu le rôle que l'autre prend dans la séduction et la sexualité. L'autre devient objet, au gré de la nature des fantasmes et de la construction psychologique de l'individu.

Concernant l'asexué, rien de tout cela n'existe.

Je suis un homme, et lorsque je regarde une femme, sa silhouette, ses courbes me provoquent autant d'effet que la vue d'une voiture, d'un meuble ou d'une maison. Cela peut être beau, du moins, pas repoussant (excepté les tenues provocantes, ultra moulantes, ce qui me cause parfois des sensations de nausée), mais mon corps ne ressent strictement rien. A vrai dire, je ne regarde que très rarement la présence des femmes lorsqu'elles ne font que passer, car ma perception et mes sensations seront davantage sensibles à ce qu'une femme peut dégager, ce qui émane de sa personne, de son regard, de son sourire, de son langage corporel, non en s'attardant sur des détails aussi futiles que la poitrine ou le fessier mais plutôt à la recherche de compatibilité humaine et émotionnelle. Je sais reconnaitre le charme ainsi que la beauté, du moins selon mes critères, mais ne suis touché que par une expression, une émotion, une personnalité qui s'en dégage, pour rendre cette forme de beauté bien plus vivante et plus attirante. Son corps m'est donc copieusement indifférent.

Le bas du corps, en particulier, me provoque du rejet, du dégoût. Les parties génitales, de l'homme comme de la femme, ne sont à mes yeux que des organes peu reluisants. Béni soi celui qui a inventé le vêtement !

Concernant l'acte sexuel, lorsque le corps n'engendre aucune véritable attirance, il ne peut y avoir désir, donc absence d'excitation, donc... je vous laisse deviner la suite. Cela a été un véritable fardeau durant mes (plus) jeunes années, pendant que je tentais d'explorer ma sexualité. Lorsque l'on parvient, par un mécanisme psychologique épuisant, à trouver un semblant d'excitation et que la machine se met enfin en marche, c'est alors une absence de sensations et d'attrait pour l'acte qui se dessine lamentablement. Le plaisir devient un mot abstrait, jamais vécu, aucunement ressenti.

Je ne parle pas de la séduction, ce jeu d'un ennui profond, où il s'agit d'incarner un rôle et tenter par tous les moyens de correspondre aux attentes de personnes qui ne nous intéressent aucunement et avec qui nous n'avons rien à partager, sinon le besoin - factice et totalement désuet - de copuler. A titre personnel, je n'ai jamais compris pourquoi les gens tenaient autant d'importance et de goût pour ces futilités vides de sens.


LES RELATIONS


A mes yeux (et cela ne concerne que mon opinion et ma vision), il est évident qu'en étant asexué, l'idée de vivre en couple est à proscrire. La sexualité étant une part si importante pour les personnes ayant une libido que condamner votre partenaire à l'abstinence imposée contre les envies et besoins que son corps exprimera n'engendrera que des problématiques qui entacheront considérablement l'harmonie du couple.

De plus, l'absence de désir rend délicat l'exercice de séduction. En état asexué, nous tenons moins d'importance à notre image et notre capital de séduction, ne cherchons pas à plaire de cette façon parce que cela s'avère incompatible avec notre fonctionnement. Lorsque nous rencontrons quelqu'un, nous nous comportons le plus souvent comme un ami, faisant des blagues, racontant des anecdotes, taquinant, ou nous montrant à l'écoute, et partageons des centres d'intérêt en commun ; lorsque la personne ayant une libido, cherchant à plaire, va d'abord optimiser son apparence et vouloir provoquer le désir chez l'autre, parfois de manière naturelle, lorsque d'autres utilisent des méthodes codifiées tirées de coachs en carton.

L'amitié est donc privilégiée. Avec des femmes si vous êtes un homme, avec des hommes si vous êtes une femme. Le rapport avec le sexe opposé, en étant asexué, est bien plus fluide, plus naturel, car le corps est effacé. Ne restent que l'âme et l'esprit. Cela permet de découvrir les personnes de sexe opposé sous un regard totalement nouveau et développer des relations qui s'avèreront extrêmement bénéfiques. Il est possible d'aimer et d'être aimé, le tout sans la contrainte de l'acte sexuel, ni celle de la séduction, ni la routine barbante d'une vie de couple qui s'installe sur le temps. L'amitié est une forme d'amour, qui s'exprime et se vit différemment. Davantage dans la légèreté et la liberté.


Je n'ai jamais été aussi heureux dans ma sexualité que depuis que je n'en ai plus. Jamais autant aimé les femmes que depuis que je ne les désire plus.

L'asexualité a changé ma vie.








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