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Reposez en paix, monsieur Brice Postal.

  • juliensabi93
  • 21 juil.
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 27 juil.

J'ai appris il y a plusieurs jours le décès tragique de Brice Postal, un enseignant en penchak silat/self défense ayant acquis une certaine notoriété ces dernières années. Un homme de 55 ans pour qui la vie n'aura été qu'un éternel combat dans l'adversité, contre les autres d'abord, puis envers lui-même. Brisé par une enfance chaotique, puis profondément marqué par ses vingt années de carrière en tant que contractor pour les services de renseignement français, spécialisé dans l'infiltration clandestine, un travail qui l'aura propulsé au premier rang d'une ultra-violence indescriptible ; Brice avait tenté de renouer avec une vie plus paisible, davantage tournée vers la lumière, en devenant instructeur dans son art martial, créant son club, puis en trouvant l'amour et éduquant les enfants de sa compagne. Mais ses démons le submergeaient inlassablement. Une rupture sentimentale engendrant un divorce aura malheureusement, et d'après les informations publiées, suffit pour détruire cette force de la nature qu'il incarnait aux yeux de tous (edit : cette information s'avère totalement fausse, Brice et sa compagne comptaient se marier l'année prochaine. N'étant pas sur les réseaux sociaux, je me suis fié au journal Le Parisien, bien mal m'en a pris). Ce lundi 14 juillet, sur le balcon de son domicile, Brice s'est tiré une balle dans la tête à bout portant, devant les policiers qui tentaient d'approcher son immeuble afin de l'en empêcher. Retour sur l'histoire de cet homme que je ne connaissais pas personnellement, mais qui m'aura véritablement marqué.


C'était en regardant une simple vidéo sur YouTube. Appréciant beaucoup le contenu de la chaine Karaté Bushido, notamment grâce à la qualité des intervenants, l'aspect ludique proposé, ainsi que la sympathie naturelle de "l'animateur" Greg MMA, un ancien combattant professionnel du sport portant le même patronyme ; je suis alors tombé sur une vidéo dont le concept m'avait immédiatement capté. Une simulation de bagarre de bar, en conditions réelles, sans aucune chorégraphie, des casques, protèges-dents et gants de MMA aux poings. Des experts allaient affronter certains de leurs élèves (un ancien combattant de MMA de haut niveau, un ancien des Forces Spéciales, un ancien militaire devenu instructeur de self-défense, et bien sûr, l'ancien contractor à qui cet article est consacré), à travers des contextes d'embrouilles crédibles au milieu d'un bar parisien, le but étant d'observer quelles techniques sont appliquées, ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ceci dans l'optique de proposer une self défense ancrée le plus possible dans le réel. Lorsque Brice Postal s'est installé derrière le bar, casque de protection sur le visage et gants vissés aux poings, mon attention fut totale, tant le personnage, aussi charismatique qu'intimidant, dégageait une énergie de prédateur. Quelques secondes plus tard, la bête fut libérée, écrasant son verre (heureusement un simple gobelet en plastique !) dans la gorge de son adversaire avant d'enchainer avec un direct du droit foudroyant, suivi d'un coup de genou en pleine tête, avant d'achever sa partition avec un coup de coude aux cervicales, provoquant la stupeur tout autour, poussant Greg MMA à intervenir, stopper l'action et s'assurer que "l'adversaire", qui était un élève, était encore en bon état. Plus de peur que de mal, ce dernier affirmant que les coups étaient retenus, sans quoi les dégâts auraient été sans appel. A cet instant, lorsque j'ai vu Brice Postal enlever son casque, afficher un large sourire rayonnant et rétorquer : "Là, on est dans la retenue." d'un esprit taquin et décalé ; j'ai alors pensé "punaise, ce mec est génial !"

C'est alors que je me suis intéressé à ses contenus, ainsi qu'à sa personnalité, son histoire. J'ai découvert un homme profondément écorché, touchant, mêlant autant de violence brute sans aucune pitié et une bienveillance ainsi qu'un sens du devoir qui se fait de plus en plus rare dans notre société actuelle. J'ai découvert un homme qui aurait pu mourir un nombre incalculable de fois, dont le parcours a été jonché d'horreurs, mais qui démontrait une bonhomie surprenante, un sourire chaleureux, une personnalité attachante, profondément tournée vers les autres, un homme empli de valeurs et de qualités humaines remarquables. Mais les traumatismes, multiples et d'une grande violence, vivaient en lui sans ne jamais le quitter, tel un poids colossal collé au dos du lever jusqu'au coucher, invisible aux yeux des autres.


Pour expliquer à la fois ce penchant pour la violence et cette souffrance insoutenable qui l'aura rongé des années durant jusqu'à la tragédie, il faut revenir aux sources. Le point de départ qui a façonné sa trajectoire de vie. Son enfance. Maltraité et battu par son père, Brice découvrit la vie par les coups, les mots blessants, la peur et la douleur. Durant un podcast, il avait raconté que son père s'amusait, à chaque réveillon de Noël ou autres fêtes familiales, lui déboiter le bras, alors qu'il n'était qu'un enfant en bas-âge. Il racontait également que la première fois qu'il a reçu un coup de poing de la part d'un adulte, il n'avait que cinq ans (et l'adulte était son père, bien évidemment...). Pour ne rien arranger, Brice avait grandi en milieu modeste, évoluant au sein d'une cité en région parisienne. Plus petit et plus chétif, plus vulnérable, il était le punching-ball de certains de ses camarades d'école, lui infligeant des corrections quotidiennes.

A l'âge de quatorze ans, il était parvenu à se rebeller et affronter son tortionnaire de père, ce qui avait poussé ce dernier à le jeter à la rue, en compagnie de sa mère, du jour au lendemain. Toutefois, malgré cette vie déplorable, Brice eut une révélation en découvrant les arts martiaux, en particulier le Penchak Silat, mais aussi la boxe Thaï, puis, plus tard, dans le maniement des armes à feu. C'est à travers le sport et l'apprentissage studieux de l'art du combat qu'il prit confiance en lui, eut nourri une profonde passion, s'appropriant cette violence, jusqu'alors subie, comme une nouvelle forme de langage. Cette rage viscérale et ces lourds traumatismes qui le consumaient lui eurent provoqué un besoin de violence, un goût pour la castagne et l'adversité qui, fort de ses facultés grandissantes, l'eut poussé à franchir la porte des métiers violents et dangereux. Ce fut d'abord en tant que videur de boite de nuits en quartier chaud de Paris qu'il fit ses armes, avant de devenir contractor en infiltration, majoritairement dans la lutte contre les narco-trafiquants, le terrorisme, le proxénétisme, la plupart du temps dans des zones où la criminalité est hors de contrôle (Mexique, Amérique Latine, etc).

C'est à travers cette expérience qu'il vécut les séquences les plus traumatiques que l'on puisse concevoir. Pris à partie dans des fusillades urbaines, attaqué à la hache, au couteau, encerclé par dix narco-trafiquants déterminés à le tuer, observant un homme se faire écorché vif, d'autres être décapités, voyant son meilleur ami se faire littéralement exploser la tête à un mètre de lui, sans oublier les "animaux blessés", comme il les appelle, ces êtres brisés par la vie qui l'auront particulièrement touchés et pour qui il ne pouvait rien, ou encore la vingtaine de personnes qu'il a tué en mission...

Vivre de telles atrocités, évoluer constamment au milieu des ténèbres pendant aussi longtemps n'est pas anodin. Cela transforme la psyché, le regard sur le monde, sur les autres, la vie et soi, au point de, petit à petit, devenir une personne que l'on ne reconnait plus. Le sentiment de solitude est omniprésent, le décalage avec le reste de la population se creuse inlassablement, le sommeil devient impossible, le développement d'une vie sociale et sentimentale "normale" l'est tout autant, alors doucement une perte d'appétence pour la vie s'installe, le sentiment dépressif nous enveloppe, plongeant dans une spirale dont il est extrêmement difficile d'en percevoir l'issue.


S'il était possible de réécrire l'histoire, en imaginant une société dans laquelle le traumatisme à l'enfance serait véritablement combattu ; Brice aurait été libéré de la violence de son géniteur - ce dernier aurait croupi en prison -, aurait été placé en famille d'accueil, au sein d'un foyer sain, bienveillant, où il aurait pu découvrir l'amour, la gentillesse, et développer ses qualités en toute liberté, malgré sûrement quelques failles, quelques fragilités que son enfance auraient provoquées. Il aurait probablement réussi ses études, serait devenu enseignant ou formateur, que ce soit dans une discipline intellectuelle et/ou sportive, aurait fondé une famille, aurait probablement oeuvré dans le combat contre les violences familiales et les traumas à l'enfance... et serait encore en vie.


Monsieur Brice Postal, je n'ai pas eu l'honneur de vous rencontrer, mais vous m'avez touché et inspiré. Puisse cet article rendre hommage, humblement, à l'homme que vous avez été durant cette existence, et à tout ce que vous avez pu apporter, notamment à des gens tels que moi, qui trouvait en votre histoire un écho et en votre force une certaine admiration.

ree

Reposez en paix. Dans l'amour et la quiétude éternelle.




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