Rebecca Baptiste, une tragédie symptomatique.
- juliensabi93
- 8 août
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 août
Il y a quelques jours, fin juillet dernier, une petite fille de seulement 10 ans décédait au bout de trois jours d'hospitalisation après avoir été découverte inconsciente et abandonnée au milieu d'une autoroute, aux Etats-Unis. L'enfant était couvert de bleus tout le long du corps, tenait des hématomes autour des yeux, des signes de tortures, d'abus sexuels et de coups violents, sans oublier la malnutrition et la déshydratation. Elle se nommait Rebecca Baptiste. Ses parents ont été arrêtés, tous deux coupables de cette abomination dont les faits, d'après les témoignages, étaient connus de son oncle, qui avait alerté la police, en vain, ainsi que de l'école où elle était scolarisée, qui ont alerté les services sociaux pas moins de douze fois... sans réponse. Cela s'est produit aux USA mais le problème est le même partout, y compris en France. Fait divers après fait divers, nous constatons inlassablement que les enfants ne sont aucunement protégés. Même lorsque d'innombrables signalements sont effectués, notre société accepte de laisser des êtres fragiles et vulnérables, innocents, n'aspirant qu'à vivre, subir des traumatismes qui, au mieux les condamneront à des psychothérapies durant l'intégralité de leur existence, au pire les tueront. Cela dans l'indifférence générale.
LA VIE APRES LES TRAUMAS
En France, un enfant sur trois est victime d'inceste, un sur cinq de violences scolaires, et probablement autant victimes de violences familiales. Certains, pour les plus malchanceux, cumulent les trois. J'en suis. Ayant grandi avec un père souffrant de troubles non-traités, démontrant un double-visage perturbant, grand copain un jour, tortionnaire violent et extrêmement dur dans ses mots le lendemain ; j'ai vu ma soeur se faire frapper, insulter, rabaisser durant nos enfances respectives. Ma mère, elle, fermait les yeux. Non pas qu'elle approuvait, mais un beau mensonge est toujours plus agréable que la laide vérité. Surtout ne pas faire de vagues, sauver les apparences. Même face à l'inacceptable. De mon côté, j'ai subi des maltraitances avérées chez deux "nounous", pendant des mois, encore une fois sans aucune réaction malgré les signes évidents que je dévoilais. Evoluant dans un environnement modeste, rustre et violent, dans lequel parler et être soi n'était aucunement envisageable, mes années collège ont été un calvaire sans nom. J'y ai vu des scènes épouvantables, des tabassages, des humiliations, des injustices terribles, et j'y ai subi de multiples agressions violentes. Tout cela sans oublier l'abus sexuel que j'ai subi durant ma petite enfance par un membre de ma famille. J'ai survécu, me suis défait de cette violence qui me collait à la peau et faisait de moi une personne que je n'ai jamais voulu être. Je me suis défait des addictions, de mes crises émotionnelles ingérables et de mes pulsions suicidaires. Je me suis également sorti de la précarité dans laquelle je suis tombé après l'échec dans ma vocation de carrière artistique et musicale. Je me suis également relevé de nombreux deuils douloureux, sans oublier une rupture sentimentale particulièrement épineuse, et des désillusions à n'en plus compter.
J'ai bientôt trente-deux ans. Si je raconte tout cela, c'est dans l'optique de démontrer concrètement, sans aucun artifice, ce qu'est véritablement la vie d'une victime de traumas à l'enfance et l'adolescence. Lorsque l'on survit, que la tempête s'atténue et qu'une page se tourne enfin, le plus difficile reste à faire. Apprendre à vivre, chaque jour et chaque nuit, avec l'équivalent d'un énorme sac de quarante kilos sur le dos en permanence, totalement invisible aux yeux de tous ceux autour de nous, y compris la famille et les proches, nous plongeant à la fois dans un épuisement lent et profond, mais aussi dans une sensation de solitude qu'il faut parvenir à accepter. Se lever est une bataille. Travailler, interagir et répondre aux attentes demande une énergie et une volonté qu'aucun mot ne peut décrire. La fatigue est omniprésente, la rage et la colère, sombres et crépitantes, deviennent des moteurs qui nous permettent parfois de réaliser l'impossible. Pour sortir véritablement la tête de l'eau, il faut trouver un terrain de liberté et d'expression. Que ce soit l'écriture, le théâtre, la musique, le sport, ou du bénévolat ou un engagement politique (liste non-exhaustive), il FAUT absolument se dédier à une activité qui permette à la fois de se révéler, de se libérer du poids décrit plus haut, et de se sentir fier de soi, ce qui apporte une grande satisfaction et augmente l'estime de soi, élément primordial dans la reconstruction et la guérison.
Les thérapies peuvent aider, mais ce n'est pas systématique (cela dépend de la qualité du praticien mais aussi de la volonté du patient). Il est toujours profitable de verbaliser le mal et recevoir une écoute attentive ainsi qu'un regard extérieur, potentiellement des conseils, des exercices à pratiquer au quotidien, cela peut permettre d'apaiser la souffrance, souvent causée par du refoulement, cela peut offrir une opportunité non négligeable d'évolution de notre état d'esprit et de notre mal-être, agir sur la colère, le sentiment dépressif ou sur notre rapport à l'autre ainsi qu'à nous-même, mais cela ne suffit pas toujours à vaincre le démon et gagner enfin cette guerre qui nous déchire les entrailles. L'amour ou l'amitié sont considérablement plus efficaces concernant le chemin vers l'épanouissement ou plutôt un état proche du bien-être, d'une forme de paix, mais attention à bien choisir ses fréquentations, notamment sentimentales, car le traumatisé possède une fâcheuse tendance à attirer la toxicité, quelque soit sa forme et sa nature, ce qui s'avère totalement contre-productif et peut même mener bien plus aisément au drame.
Vivre après avoir survécu à ces traumas violents expose également à une plus grande sensibilité devant les maux du monde qui nous entoure. Il nous est d'autant plus insupportable d'assister à des drames et des injustices, visibles ou silencieuses, de percevoir la souffrance et la tristesse dans les yeux de gens admirables bien trop vertueux pour ce monde et cette humanité ; sans oublier une profonde intolérance à l'impuissance, nous poussant constamment à réagir, à intervenir, quitte à prendre des risques et nous causer des contentieux.
Pour les personnes bienveillantes sans traumas, une histoire comme celle de Rebecca Baptiste est tout aussi écoeurante, mais ils seront aptes à stopper la lecture de l'article et reprendre leurs occupations respectives sans effets directs. Pour le survivant de traumatismes violents, c'est un puissant coup de poing dans le foi. Comme séchés sur place, incapables de respirer. Pour le survivant de traumas, les informations sont à proscrire, afin de laisser davantage de place aux nourritures positives, de beaux documentaires, des livres agréables et touchants, des musiques entrainantes, des rencontres inspirantes... tout ce qui nous éloigne de cette part de la réalité qui nous provoque spontanément des nausées.

QUELLES SOLUTIONS POSSIBLES ?
Pour que des vies soient épargnées, pour que les enfants puissent rester des enfants et se construire dans l'ordre des choses, le remède est simple, L'ACTION. Face à un acte de maltraitance, de harcèlement, de violences et d'abus, réagissons. Tous. Sans exception. Lorsque des signalements sont effectués, professionnels concernés, de grâce, faites votre métier. Policiers, personnels éducatifs, responsables de services à l'enfance... agissez, agissez, agissez. Lorsque vous permettez à un enfant d'échapper à son bourreau, vous lui sauvez tout simplement la vie. En fermant les yeux, vous vous rendez coupables, de manière indirecte, des conséquences qui aboutissent inévitablement. En fermant les yeux, vous acceptez l'indicible. Vous sacrifiez la vie d'un enfant, ou lui empêchez l'accès au bonheur dans sa vie future. En fermant les yeux, vous soutenez les bourreaux, les tortionnaires, ces êtres immondes, malsains, pervers et profondément toxiques, que beaucoup trop d'enfants et d'adolescents subissent. Alors pour l'amour du Ciel, AGISSEZ.
Le second élément est la réponse que l'on propose en second temps, après l'action provoquant la libération de la victime. Quelle réponse pénale ? Quel suivi pour le traumatisé ? Sur ces questions, j'ai proposé et mis en scène des réponses potentielles au sein de mes ouvrages "Le temps de l'espérance" et "le temps des vérités" que vous pouvez trouver sur ce site ainsi que sur toutes les plateformes de ventes.
Afin de pousser au maximum la lutte dans ce combat infernal, il serait, à mes yeux, très pertinent d'ajouter un volet "prévention" et non seulement de sanctions ou de réponses ultérieures. Imposer une formation pour devenir parents, engendrant un examen, une sorte de permis de parentalité, agréé devant un jury et des experts dans les domaines de l'enfance et de la santé mentale. Ainsi, il serait possible d'éliminer un nombre considérable de parents problématiques voire dangereux, et donc limiter les traumatismes et les enfances brisées. Tout le monde ne mérite pas de devenir parent. Lorsqu'il y a absence d'empathie, des troubles suspects, un manque de conscience des responsabilités que cela implique, un potentiel de violence voire de perversion ; le jury le notifierait et il serait alors formellement interdit de mettre au monde et d'élever un enfant, sous peine de lourdes sanctions judiciaires et placement systématique de l'enfant né et/ou à charge sans autorisation hors du foyer. Ce volet, en complément de l'action concrète et déterminée devant les méfaits avérés, permettrait d'endiguer de manière drastique ce fléau. Encore faudrait-il évoluer au sein d'une société possédant une quelconque volonté !
Rebecca Baptiste n'aura expérimenté la vie, le monde et ses mystères qu'une petite décennie. Tout ce qu'elle y aura goûté possédait la douloureuse saveur de l'Enfer. Elle n'était qu'une petite fille, suffoquant sous les mains de monstres infâmes indignes de la qualification "d'êtres humains", que l'aveuglement et la lâcheté des autres aura permis de voir s'épanouir une horreur sans nom, subie des mois voire des années durant, seule dans son martyre, étouffée dans son silence, l'épuisant jusqu'au dernier souffle, à un âge où la vie n'en est qu'à ses balbutiements. Malgré les signalements et les alertes multiples, rien n'a été fait pour la sauver. Son décès révèle aux yeux de tous les failles béantes de notre société, que subissent des milliers et des milliers d'autres enfants, qui eux survivent dans l'ombre et l'indifférence.
Adieu Rebecca.
J'espère que là où tu es désormais, quelqu'un veille sur toi...

Commentaires