Masculinisme, Incels : mieux comprendre ce phénomène.
- juliensabi93
- 13 juil.
- 6 min de lecture
Depuis quelques temps, des mouvements prennent une ampleur de plus en plus considérable sur les réseaux sociaux et sur internet en général, des mouvances ayant engendrés des drames comme celui ayant inspiré l'excellente mini-série britannique nommée "Adolescence", ou plus récemment, en France, avec l'arrestation d'un jeune homme de 18 ans sur le point de passer à l'acte à la sortie d'un lycée, se revendiquant comme membre de la communauté Incel, abréviation anglophone désignant le célibat involontaire. D'abord méprisants, les médias prennent désormais très au sérieux ces mouvances masculinistes, tentent de les décrypter, de les comprendre, sans y parvenir, car bien trop orientés politiquement et trop éloignés de la source, ne s'attardant que sur la partie visible de la problématique, sans analyser les causes à l'origine de cette mouvance.
Qu'en est-il réellement ?
LES CAUSES ENGENDRENT TOUJOURS DES CONSEQUENCES
Le féminisme originel est né d'une révolution sociétale dans le but de briser les chaines qui contraignaient les femmes à un rôle pré-établie et imposé à la naissance, sous un conditionnement ancré dans le système patriarcal, empêchant toute possibilité d'émancipation, de liberté d'être et d'indépendance financière du simple fait d'être femme. Cela sans parler d'une normalisation des violences conjugales, du profond tabou qu'était le viol, l'abus et l'inceste, véritables fléaux encore aujourd'hui. Les femmes étaient attendues dans un rôle bien précis, et tout était fabriqué pour que quiconque refuse ce rôle se voit marginalisé. Le féminisme, porté notamment par des figures emblématiques telles que Simone Veil en France, s'est érigé pour mettre un terme à cette instrumentalisation de la femme et de cette injustice profonde. Le mouvement a gagné de nombreux combats, notamment parce que les acteurs économiques y ont perçu un intérêt (les femmes représentant la moitié de la population, si elles travaillent et deviennent indépendantes financièrement, cela représente un marché pour le moins lucratif), ce qui a poussé les classes politiques à s'accorder, au moins en surface, aux valeurs et aux injonctions féministes, non dans le but de faire plaisir aux femmes, mais plutôt par intérêt tant économique qu'électoral. Cela a profondément chamboulé la société, a permis aux femmes de gagner en liberté, de faire des études supérieures, d'accéder à des carrières jusqu'alors impensables, de pouvoir voter, conduire, divorcer, et choisir, de manière générale, de la manière dont elles voulaient mener leur existence, sans la nécessité de l'accord de l'homme.
Au fil des décennies, le combat féministe s'est dirigé non vers davantage de liberté de la femme, mais une volonté de féminiser la société, de rééduquer les hommes afin de se conformer aux nouvelles normes sociétales, et de politiser chaque aspect de la vie, du rapport à l'autre, et du quotidien au sein des ménages et des familles.
Ainsi, au fil des décennies, le féminisme a reconditionné et recadré le rôle masculin, l'identité-même de l'homme, en culpabilisant ses bas-instincts primitifs, qualifiant les traits du masculin traditionnel comme toxiques, affichant publiquement et dans une réelle volonté de nuire, des hommes ayant transgressé les règles établies par le féminisme (ou même simplement soupçonnés de l'avoir fait, à tort ou à raison), à décider ce qui était acceptable ou non, allant jusqu'à affirmer qu'aborder une femme dans la rue, même de manière polie et respectueuse, était une forme de harcèlement, dénigrant, moquant et insultant les hommes qui utilisaient les vieilles méthodes dans le but de séduire. Dans d'autres domaines, le féminisme est même allé jusqu'à imposer une présence accrue des femmes au sein des postes à responsabilité dans les entreprises, en politique, partout où l'homme masculin les surclassait jusqu'alors.
Ainsi, les hommes ayant grandi dans l'ère moderne occidentale ont naturellement adopté les codes féministes, pendant que les femmes ont continué à éloigner le mouvement de son combat originel et légitime vers une confrontation à l'encontre des hommes, créer une idéologie développant une inversion comportementale de plus en plus fragrante, et un véritable malaise présent au sein des deux "camps" auprès des jeunes générations, qui ne parviennent plus à s'épanouir ni à trouver ce qu'ils cherchent dans une société où rien n'est à sa place et où hommes et femmes se déchirent et se rejettent mutuellement.
LE MASCULINISME, LA PARTIE VISIBLE D'UN MAL PLUS PROFOND
Ainsi, dans un tel contexte de méfiance et d'inimitié, certains jeunes hommes en ont eu assez. Des forums ont fait leur apparition, dans lesquels ils pouvaient déverser leur ressentiment envers la gente féminine, exprimer leur frustration, leur désillusion causée par le contraste entre ce que leur promettait le cinéma, les séries et la littérature - dans lequel l'homme bien, gentil et un peu timide était toujours bien vu et aimé par la plus belle femme - et la réalité, bien différente. Le nombre grandissant rapidement, une mouvance a alors émergée, celle des Incels, évoquée plus haut. Pendant des années, cette communauté s'est vue moquée et méprisée, par les femmes bien sûr, mais aussi les hommes qui eux, parvenaient à trouver le succès dans la séduction. Et parmi ces hommes plus chanceux (ou plus talentueux, selon), certains y ont perçus un marché économique pour le moins intéressant. Avec l'essor d'internet, de YouTube, des réseaux sociaux, ils se sont lancés dans l'idée de créer un personnage caricatural allant à l'encontre totale de tout ce que le féminisme (ou plutôt néo-féminisme, en l'occurrence) ne cessait de marteler, jouant les machos voir misogynes notoires, businessman narcissiques, s'affichant dans des cadres luxueux, des voitures de sport, le tout en affirmant des discours violents, méprisants et dégradants à l'égard des femmes, et valorisant des codes masculins bien plus empruntés à l'imagerie du Rap US que des hommes traditionnels. Cette démarche a fonctionné, les incels se voyant profondément séduits par ce fantasme de l'homme et percevant ces influenceurs comme des modèles à suivre ; alors un marché s'est développé à vitesse grand V et une vague d'influenceurs, de coachs en séduction, d'auteurs de développement personnel sont apparus, multipliant les millions de vues et les best-sellers en librairie, créant ainsi la mouvance masculiniste.
Le discours est simple. Les hommes modernes sont devenus des lopettes, soumis au diktat des femmes, qui elles-mêmes n'ont, pour beaucoup, plus aucune valeur, alors il faut que les hommes redeviennent des hommes et ainsi attirer les femmes de qualité. Certains influenceurs jouent la carte de l'homme d'affaires intrépide et misogyne, arrogant et méprisant ; lorsque d'autres, plus modestes et plus ancrés dans la vague "Incels", se contentent de commenter des vidéos faites par des féministes au hasard sur les réseaux sociaux, ceci afin de les critiquer et les dénigrer ouvertement.
Dans les deux cas, la sauce prend. Vraiment. A tel point que des jeunes hommes, souvent adolescents ou très jeunes adultes, en deviennent complètement adeptes, s'isolant de plus en plus et nourrissant à la fois leur mal-être et ce ressentiment profond à l'égard de la gente féminine, en consommant à foison le contenu de tous ces influenceurs masculinistes. Leurs parents, dépassés car issus d'une génération dans laquelle les codes, le rapport à l'autre, notamment entre hommes et femmes, se voyait plus fluide, globalement plus sain ; ne perçoivent parfois aucunement le changement dans le comportement de leur fils, le pensant seulement plus introvertis et plus casanier (ce qui n'est pas un défaut, contrairement aux idées reçues). Parfois, un drame survient, ou est évité de peu. Soudain, le masculinisme et le terme "Incels" se dressent en porte-drapeau. Alors les médias, très éloignés de ces questions et épousant intégralement la cause féministe, observent cela avec condescendance et jugement, tandis qu'en réalité, il s'agit de la traduction d'un Mal profond que personne ne veut entendre. Celui d'une génération de jeunes hommes qui pensaient qu'être gentils et bien élevés suffisait à plaire aux femmes, elles qui ne cessaient de le quémander, et qui n'ont pas compris le rejet dont ils sont victimes. Ce rejet a créé une souffrance terrible, car la valeur d'un homme est aussi jugée, socialement, à sa faculté à plaire, à séduire. L'homme qui couche avec de nombreuses femmes est toujours respecté voir adulé au sein d'un groupe. Celui qui enchaine les refus et les rejets est constamment moqué et dévalorisé. Cela engendre une baisse d'estime de soi, une difficulté à s'identifier dans sa masculinité (parce que notre sexe est aussi une identité à part entière), un manque lié à la misère affective et sexuelle, de la frustration engendrant de l'aigreur, de la colère, pouvant mener à la haine et la détestation de la gente féminine, sans aucune nuance. Ces jeunes hommes ne pouvant exprimer leur souffrance auprès de leurs camarades de classe ou autres sous peine de moqueries incessantes, ils se tournent alors vers internet, devenant peu à peu leur exutoire, le terrain de liberté, lorsque dehors, plus rien n'est capable de leur apporter une once de satisfaction. Les influenceurs caricaturaux leur font office de modèle, d'idéal, et les "incels" passant leur temps à critiquer les femmes à travers leurs vidéos nourrissent et conditionnent ces jeunes hommes à détester les femmes, les percevoir comme des ennemies à part entière, des cibles à abattre, car responsables de leur souffrance sourde. Pour la plupart d'entre eux, ils se renferment, n'approchent plus aucune femme, vivent à travers leur existence virtuelle sur internet, s'alimentent de discours tantôt masculinistes, tantôt droitards et fachos, tantôt complotistes, et se refusent à intégrer véritablement la société et la sociabilité dans la vie réelle. Pour les plus fragiles d'entre eux, cela peut les mener au passage à l'acte. C'est seulement dans ce cas que le problème intéresse, mais comme celles et ceux qui font semblant de l'étudier et de l'analyser vivent à des années lumières des problématiques rencontrées par ces jeunes hommes, que leur logiciel est conçu pour et par le discours dominant et la défense aveugle du féminisme ; alors ils jugent, ils méprisent, se rendant sourds d'un mal pourtant bien réel qu'il serait temps de considérer.

Commentaires